Texte de Marie-Claude Lortie
Le Coronavirus leur a rendu la vie un peu plus compliquée, à cause des annulations de vols et de la décision de plusieurs participantes de ne pas se déplacer jusqu’en Turquie, mais la crise de santé publique ne les a pas arrêtées. Elles se sont réunies, et elles ont parlé de pêche durable, d’agriculture, de santé mentale, de succès, d’échecs, de vins, de cuisine, du pain, du beurre et de l’argent du beurre. Elles étaient de Bali, de Colombie, du Canada, de Slovénie et oui, d’Italie en tout plus de 300 provenant de 42 pays, dont 12 conférencières, réunies dans l’auditorium Gran Pera dans le coeur d’Istanbul. Et elles se sont promis, au bout de deux jours de discussions et d’écoute dans la métropole turque, de se retrouver à Paris l’an prochain.
Ce sont les participantes du Parabere Forum, un événement fondé et piloté par la journaliste franco-espagnole Maria Canabal, épaulée pour cette édition par la photographe et designer turque Sibel Kutlusoy. Animé par la journaliste australienne Joanna Savill, ce forum réunit à chaque année dans une ville différente des femmes surtout, mais aussi des hommes, tous et toutes issus des métiers de la bouche et partageant une volonté de mettre à l’avant-plan les femmes de tous les secteurs de la gastronomie. Cette année le thème était « Le futur de l’alimentation ».
Entre la légendaire Claudia Roden, auteure de grands livres de cuisine qui ont traduit les cuisines de la Méditerranée pour un public nord-européen et nord-américain qui ne les connaissait pas, la jeune prodige péruvienne Elizabeth Puquio et la cuisinière entrepreneure militante biologique danoise Trine Hahnemann, qui vient de vendre son importante entreprise de traiteur pour investir ses efforts en agriculture, les conférenciers ont donc parlé de sujets aussi vastes que variés sur l’avenir de la nourriture.
La chef brésilienne Roberta Sudbrack, par exemple, a raconté comment elle a choisi il y a trois ans, à la surprise générale, de fermer son restaurant étoilé pour chercher une toute nouvelle façon beaucoup plus en accord avec ses valeurs du coeur, de faire de la cuisine. « Quand les papillons dans l’estomac ne sont plus là, il faut arrêter et changer ce qu’on fait », a expliqué à la salle celle qui veille aussi sur un nouveau festival d’agriculture biologique à Trancoso, dans Bahia.
Un peu plus tôt, l’autrice et journaliste britannique Bee Wilson avait expliqué comment son organisme, TastED apprend aux enfants à gouter aux bons produits et ingrédients car c’est la non-éducation, la non-expérience gustative qui permet à la malbouffe de proliférer. La veille, la restauratrice et militante britannique Thomasina Miers avait parlé de l’importance de l’agriculture propre et de cesser de massacrer nos terres, les sols, avec des produits chimiques. Propos absolument partagé par Darina Allen d’Irlande, cofondatrice de la célèbre école de cuisine Ballymaloe.
Les messages à retenir de tout ce qui a été dit? « Il y en a plusieurs, répond Maria Canabal. Le sol est l’ingrédient secret de nos cuisines. Le passé est le présent et notre futur. Les femmes nourrissent le monde, pas les corporations… » Oh, et aussi: « Le leadership du futur de l’alimentation est entre les mains des femmes.»
Le prochain forum aura lieu à Paris, les 7 et 8 mars prochain.